Sueur accélérée

Publié le 6 Novembre 2014

Le ciel est bas. Le maraîcher s’agite entre le camion et l’étalage de légumes. Une voix joyeuse. La file de clients obstrue le passage. On prend des fruits ? Au retour, je dis, sinon on sera chargé. Et la petite s’est faufilée, il faut la rattraper. Arrêtée dans ma course. Le cœur retourné. Il est là. Seul. À une table de la terrasse. À l’ombre de l’auvent. Je ne peux pas ne pas l’avoir vu. Je suis censée le connaître, pourquoi l’ignorer ? Bastien pourrait deviner… La petite a dévié dans l’allée. A gauche. Je voudrais qu’il me voit. Non, je ne préfère pas. Il lit le journal, sa main fait tourner un verre de bière. Depuis hier, pas une seconde sans penser à lui. Le rendez-vous improbable à l’hôtel. L’audace de m’y rendre. La gravité de son regard. Un vrombissement dans la tête. Égarée. Bastien, mon mari. Mon ventre qui brûle pour un autre homme. Des coups de marteau dans le cœur. Je reconnais sa chemise, je l’aime, je l’effleure, je l’embrasse. Je voudrais trouver son parfum. La naissance du cou. Le toucher. Je le laisse derrière moi. Ma fille et mon mari m’attendent avant d’entrer dans la galerie commerciale. Peut-être à cet instant je pourrais dire : je reviens. Je ne peux pas. Tout palpite en moi. Renversée, secouée, dévastée. Je n’aurais pas l’air naturel. Déjà là, je me sens écarlate, inondée par une sueur accélérée dans tout le corps. Le retour ? Non Bastien, non je n’ai besoin de rien. Peur de laisser échapper son prénom. Qu’il perce ma phrase, qu’il révèle mon secret. Le mensonge de la veille, d’un après-midi le plus ardent de ma vie. Le plus palpitant. Je n’ai pas conscience de marcher, j’appartiens à ses caresses. Il me happe. Le retour ? On reviendra par l’autre allée, on contournera la terrasse. Bastien le reconnaîtra. Je serai obligée de m’approcher. Je m’agripperai à la bandoulière de mon sac comme si elle m’évitait la chute. Deux bises irréelles, alors que ses mains ont envahi mon corps. Je lui présenterai ma fille. Je fuirai ses yeux. Il nous proposera de nous joindre à lui. Je refuserai. Tremblante en dedans. Rouge sous la peau. Qu’il m’enlève là, tout de suite.

Rédigé par Audrey Gaillard

Publié dans #nouvelles

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