François David et quelques uns de ses livres poétiques pour la jeunesse.

Publié le 28 Décembre 2016

 

Enfants couleur de lune ou couleur de soleil la couleur de leur rire est la même.

Quatrième de couverture de l’album Les enfants de la lune et du soleil, écrit par François David et illustré par Henri Galeron (2001).

Sur la page de garde, le O de SOLEIL a la peau noire, comme le papa et la maman de la première double page. Le visage de l’enfant à la peau noir, lui se prolonge au delà de la pliure du livre avec la tête d’un ours blanc qui aime tant le chocolat noir. La fantaisie commence, répétée deux pages plus loin : Une petite fille blanche blanche comme une panthère qui a bu trop de lait de vache.

Entre poésie et comptine, la langue de François David chemine et emmène le lecteur vers un espace où réalité et rêverie se confondent, où sérieux et audace s’entremêlent, où blanc et noir s’embellisent. Il transpose la réalité dans un univers poétique, où tout est mélange, tout est possible : Une maman blanche un papa noir et un enfant vif argent vif argent comme une étoile de mer qui s’est posée sur un dauphin. Je lis très régulièrement cette histoire aux enfants que je rencontre, ils se laissent emporter par cette poésie sans aucune réticence. Je le vois à leurs yeux devant les illustrations très réalistes d’Henri Galeron. Plus loin, je le vois à leurs sourires lorsque je prononce la phrase Une maman dort un papa dort un enfant doré doré comme le poisson-lune qui a embrassé le soleil. Les enfants rient de cette étreinte surprenante, débordante de tendresse.

Henri Galeron s’appuie sur la photographie, il dit ne pas imiter mais interpréter. Les portraits aux tons bruns, dorés, marrons sont très lumineux, l’amour est palpable, les mains caressent les joues, les peaux se touchent, les personnages se regardent intensément, j’entends leur respiration, celle audible qui dit combien ils s’aiment.

Les différences éclairent comme la lune et le soleil, le métissage dessine un monde rempli de poésie, de tendresse, d’amour. Le sujet, ce n’est rien d’autre que l’amour et cet espace fécond qu’il engendre.

 

François David a créé les éditions Motus en 1988. Cette maison se spécialise dans la littérature pour la jeunesse à partir de 1992. Des sujets graves y sont abordés, avec délicatesse et ce décalage poétique qui permet d’entrevoir un autre monde ou d’en réinventer un. Les étoiles sont tombées est un autre livre de François David, illustré par des photographies en noir et blanc d’Agnès Propeck (2007).

Une ritournelle sur la guerre, une langue sobre et puissante à la fois. Page de gauche, une photographie, page de droite, une phrase qui commence à chaque fois par Quand il y a la guerre, elle m’a dit, … Une succession de situations tragiques, de peurs, d’interdits. La tension monte que n’apaisent pas les photographies épurées et rêches. Agnès Propeck propose des mises en scène d’objets avec peu sur des sols sales, ternes ou devant des murs dépecés. Je ne sais pas ce qui a précédé, les photographies ou le texte, mais l’ensemble est saisissant.

Quand il y a la guerre, elle m’a dit, il n’ y a plus d’oranges, plus de jus. On mange même les pelures quand il y a la guerre.

Quand il y la guerre, elle m’a dit, c’est le bonheur qui est crevé. Il voudrait tendre un drapeau blanc. Mais la guerre ne veut rien savoir.

Quand il y a la guerre, elle m’a dit, tout est noir. Les étoiles sont tombées du ciel.

Elles voudraient remonter, galoper vers leur voie lactée. Mais elles sont blessées aussi, les étoiles. C’est seulement quand il n’y a plus la guerre que la nuit scintille de blancheur.

Mes commentaires seraient pauvres, le silence s’impose.

 

Et cet autre album encore de François David où le mélange poésie, sobriété et gravité m’émeut beaucoup : Voir.

C’est d’abord un amusement entre petites filles. C’était à la première qui atteindrait la cuisine (…) j’avais éteint toutes les lumières et bouché toutes les ouvertures : il faisait noir, totalement noir dans l’appartement. Ici l’auteur exploite les possibles du livre en tant qu’objet, c’est la relation texte et mise en page du texte qui donnent du sens.

Le texte, blanc sur noir, est écrit de plus en plus petit sur la page de droite, pour la lampe sur la page de gauche, il en est de même, blanche sur noir jusqu’à ce qu’elle disparaisse aussitôt la lumière éteinte. La narratrice, à l’initiative du jeu, raconte avec espièglerie et lucidité les difficultés de ces deux amies. Les interlignes se resserrent au fil du parcours, la police diminue encore et encore jusqu’à ce qu’elle prenne la parole pour répondre à son amie qui vient de dire : Là, tu es avantagée, bien sûr : Tu es aveugle.

Les caractères grossissent, ils soulignent l’affirmation de la petite fille aveugle, percutante et dérangeante : Et toi, Jessy, qui as la chance de ne pas être aveugle, es-tu sûre de savoir voir bien voir tout voir vraiment voir quand il ne fait pas noir. Ces six derniers mots étant écrits noir sur noir.

Quelle réponse ?...

Rédigé par Audrey Gaillard

Publié dans #Lectures

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