La décision d’Isabelle Pandazopoulos Gallimard, collection Scripto, 2013

Publié le 18 Août 2014

La décision d’Isabelle Pandazopoulos  Gallimard, collection Scripto, 2013

L’intérêt pris à la lecture de ce roman tient à la structure et au rythme du récit : une succession de narrateurs raconte. Chacun prend la parole dans une urgence et déploie l’histoire. Chacun est habité par l’événement majeur dont la révélation est retardée, il advient au deuxième chapitre, le proviseur du lycée annonce : Cette petite chose qu’elle avait sur son ventre. Un bébé. Le fil qui relie les personnages d’un chapitre à l’autre : la stupéfaction. L‘obstétricien, la psychologue, la mère, le père, l’ami, l’éducatrice et Louise. Louise, élève de Terminale, qui un matin au lycée se sent prise d’un malaise, accourt aux toilettes et donne naissance à un bébé dont elle ignorait l’existence en elle.

Le récit est chronologique, deux retours en arrière sont nécessaires à Louise pour tenter de comprendre l’histoire.

C’est l’écriture qui donne le rythme : retarder le moment de dire, accélérer les dialogues, les interrompre, saccader les souvenirs, étirer le temps de l’incompréhension…

L’histoire bouleverse et accapare le lecteur. À partir du moment où le mot est prononcé : « déni de grossesse », l’histoire est une attente. Un temps à part, celui d’un gouffre dans lequel les personnages basculent, le temps d’en remonter. Un abîme qui s’est creusé en Louise, dans son corps, dans sa vie. Les toilettes au lycée, la douleur, l’ambulance, les questions du médecin, les mots qu’il a prononcés, je ne comprends rien, je ne veux rien comprendre. Je ferme les yeux. J’ai peur.

L’attente pour les parents de savoir comment réagir, de revenir à la vie, pour l’heure, ils s’installent dans le coin le plus sombre, derrière un escalier.

L’attente pour l’équipe de professionnels d’observer, d’accompagner. Je l’ai reposé dans son petit berceau en pensant qu’il faisait comme sa mère, se réfugier dans le sommeil. En attendant.

L’attente pour l’ami d’aider Louise à connaître la vérité.

Le lecteur suit le cheminement intérieur de Louise, du sentiment de solitude : Ils me regardent de l’autre côté de la rive, la rive des gens normaux et sans histoires, au sentiment de honte, de peur de soi –même C’est une chose de ressentir la haine, une autre de s’entendre la dire. Le récit est saisissant. Louise est dévastée, au point d’être absente et de parler d’elle à la deuxième personne Je te vois, tu te lèves bien avant l’aube et tu ranges tes affaires une à une dans une valise que tu fermes soigneusement. Un sujet très sensible abordé sans détenir de vérité. Le lecteur assiste ému aux premières fois : Je ne pouvais pas m’empêcher de rire avec lui (le bébé), tout doucement comme si j’avais peur de m’entendre. Il est happé par les failles des personnages, leurs renoncements, leurs espoirs, leurs certitudes, leurs échecs jusqu’à La décision de Louise.

Isabelle Pandazopoulos, est professeur de Lettres. Elle a toujours enseigné auprès d’ adolescents à la dérive ou de jeunes handicapés atteints de troubles psychiques graves.

Rédigé par Audrey Gaillard

Publié dans #Lectures

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article