Sa générosité contamine nos textes

Publié le 30 Novembre 2014

Trois jours sans compter, sans reconnaître. Sensation rare de l’atelier d’écriture : les notions du temps et de l’espace sont différentes. Ne plus savoir si lorsque l’on sort, il fait jour ou nuit, si on n’a pas notre enfant à aller chercher à l’école... Les heures nous traversent, invisibles. Paradoxalement, à l’issue de la journée, on croit revenir d’une longue absence. Osciller entre la seconde et l’éternité. S’extraire du monde. S’éloigner et s’approcher : être au plus près de soi. Trois jours. Treize participants. Une auteure. Fabienne Jacob invite à explorer le temps de l’enfance, « ce temps de poésie et de vérité ». Le défi qu’elle nous lance d’une voix fervente : « Essayer au cours de ces trois jours de redevenir cet être archaïque », se défaire de nos réflexes d’adultes. Il me faut donc changer d’âge. C’est évidemment là où elle m’emmène : ai-je un âge pendant cet atelier ? Quels sont ces instants où je n’ai pas d’âge…

L’atelier de Fabienne Jacob est une quête. Retrouver l’enfance, découvrir à tâtons ce que l’on ne peut pas voir avec les yeux, chercher la vérité du corps. Fouiller en soi le souvenir que l’on n’a pas envie de raconter. Entendre la voix du fou. Creuser dans l’obsession, le trouble ou la honte. Surtout chercher le mot juste, « il n’y a pas de synonymes parfaits ». Un seul mot existe pour exprimer exactement ce que je veux dire. « Ne pas se fourvoyer dans les adjectifs qualificatifs » qui sont, selon elle, souvent inutiles, sauf certains irremplaçables.

Au delà des mots, Fabienne Jacob insiste sur la structure du texte. La colère, la peur ou encore le sentiment amoureux du personnage contaminent le récit. Sa pensée s’exprime à travers l’énergie du texte, à travers les sonorités des mots.

Dans sa propre écriture, âpre et épurée, le « nerf de la phrase c’est le verbe » affirme t’elle. Elle insiste sur la tension du texte, il ne faut pas tout dire, le lecteur est intelligent. Le texte doit se construire autour de contrastes, de disparités. Son atelier est composé de ces contrastes : alternance de légèreté, rire, gravité et émotion. Je suis faite, nous sommes faits, de cette complexité.

Une attention intense émane de Fabienne Jacob pour chacun des textes lus à haute voix. Elle s’acharne avec charme à tout entendre, remplit son cahier de mots qu’elle relève, formule des commentaires avec exigence. Sa générosité contamine nos textes.

Dans son dernier roman, Mon âge, la narratrice, enfant, est fascinée par Else. Puis, elle grandit, s’en détache et devient elle-même, sans plus vouloir l’imiter.

L’atelier d’écriture, c’est pareil : je complexe, j’admire, je m’attache à l’auteure, je me passionne, je décortique ses textes pour en saisir la complexité, la construction, je m’en empare, je me détache, je cherche et tente de m’approcher de ma propre écriture.

Trois jours, trois ans, trois âges…

Atelier d'écriture avec Fabienne Jacob, Octobre 2014

Rédigé par Audrey Gaillard

Publié dans #rencontres

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